"Dans ses oeuvres en prose comme dans ses vers, Jean Richepin se distingue par son admiration à l'égard des révoltés, ses crudités rabelaisiennes, la hardiesse et l'étrangeté de ses peintures de moeurs, et enfin par ses préférences envers les êtres anormaux (sic) ou dépravés, les saltimbanques, les bohémiens, etc. Il voit obscène, dit Jules Lemaître; ses images deviennent toujours et invinciblement grossières, viles, choquantes, même aux yeux du monde."
"Romans à lire & Romans à proscrire"
Abbé Louis Bethléem (1920)
Tout dans ce texte plaide pour la présence de Jean Richepin dans mon Panthéon subvertie par les images du temps passé
Les oiseaux de passage
Poème de Jean Richepin
Ô vie heureuse des bourgeois
Qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle,
Ils sont fiers et contents
Ce dindon a toujours
Ce pigeon est aimé,
Trois jours par sa pigeonne
Ça lui suffit il sait
Que l'amour n'a qu'un temps
Béni sa destinée
Et quand vient le moment
De mourir il faut voir
Cette jeune oie en pleurs
C'est la que je suis née
Je meurs près de ma mère
Et je fais mon devoir
Elle a fait son devoir
C'est a dire que Onques
Elle n'eut de souhait
Impossible elle n'eut
Aucun rêve de lune
Aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs
Sur un fleuve inconnu
Et tous sont ainsi faits
Vivre la même vie
Toujours pour ces gens là
Cela n'est point hideux
Ce canard n'a qu'un bec
Et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir
Ou bien d'en avoir deux
Possèdent pour tout coeur
Ils n'ont aucun besoin
De baiser sur les lèvres
Et loin des songes vains
Loin des soucis cuisants
Un vicere sans fièvre
Un coucou régulier
Et garanti dix ans
Ô les gens bien heureux En forme de triangle
Tout à coup dans l'espace
Si haut qu'ils semblent aller
Lentement en grand vol
Arrivent planent, et passent
Où vont ils?... qui sont-ils?
Comme ils sont loins du sol
Regardez les passer, eux Et bois, et mers, et vents Regardez les avant
Ce sont les sauvages
Ils vont où leur désir
Le veut par dessus monts
Et loin des esclavages
L'air qu'ils boivent
Ferait éclater vos poumons
D'atteindre sa chimère
Plus d'un l'aile rompue
Et du sang plein les yeux
Pour choyer cette femme Mais ils sont avant tout
Mourra. Ces pauvres gens
Ont aussi femme et mère
Et savent les aimer
Aussi bien que vous, mieux
Et nourrir cette mère
Ils pouvaient devenir
Volailles comme vous
Des fils de la chimère
Des assoiffés d'azur
Des poètes des fous
Regardez les vieux coqs Et le peu qui viendra
bis
Jeune Oie déifiante
Rien de vous ne pourra
Monter aussi haut qu'eux
D'eux à vous
C'est leur fiante
Les bourgeois sont troublés
De voir passer les gueux
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